Droit du travail : un air de famille trompeur...

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Si le droit du travail local s'apparente parfois à celui de la métropole, il n'en révèle pas moins de subtiles divergences, à ne pas méconnaître. Eclairage avec Nicolas Ranson, avocat au sein du cabinet D&S Legal.

 

Il faut garder à l'esprit que le droit du travail calédonien est de compétence territoriale depuis la loi organique de 1999. Depuis lors, le Législateur calédonien a progressivement fait diverger le droit du travail local (codifié en 2008) et n'est pas resté inactif, loin s'en faut.

En quelques années ont ainsi été adoptées plusieurs loi de pays : sur le "harcèlement sexuel et moral", le "soutien de l'emploi local", la "santé et sécurité au travail" ou, plus récemment (février 2014), sur l'intéressement.

Il y a eu des oublis, voire des carences, mais si l'on prend en compte l'Accord Interprofessionnel Territorial et les vingt-huit conventions collectives purement locales, il existe, sur le territoire, un maillage de règles complexes distinctes et qui ne se résument pas à un simple "copier/coller" de textes métropolitains.

 

Le droit du travail calédonien est-il devenu si différent du droit métropolitain ?

Si certaines différences sautent aux yeux (pas de "35 heures", pas de "rupture conventionnelle", les délais de procédure disciplinaire plus courts), les grands principes et mécanismes demeurent. Ainsi les règlent relatives à la distinction entre CDD et CDI, au droit disciplinaire, aux heures supplémentaires ou au fonctionnement des institutions représentatives du personnel sont quasi identiques aux règles métropolitaines, d'autant plus que les juridictions locales conservent une interprétation globalement conforme à la jurisprudence métropolitaine. De même la définition d'un "motif économique de licenciement" reste la même.

Cependant, cette ressemblance est souvent trompeuse et il serait risqué, pour un entrepreneur, de ne pas tenir compte de la spécificité du droit local.

La pratique - et l'analyse de la jurisprudence - ont heureusement permis de déterminer les bons réflexes à adopter pour faire face aux problématiques locales les plus courantes et clairement identifiées : l'absentéisme, l'existence de conflits sociaux "durs" et une insularité rendant difficile l'application de certains mécanismes contractuels (clause de non-concurrence, clause de mobilité, etc.).

  • Absentéisme : les "bons réflexes"

Ce type de comportement ne peut être sanctionné disciplinairement que s'il est avéré qu'il s'agit d'une "absence injustifiée" désorganisant l'entreprise. Or il n'est pas rare en Nouvelle-Calédonie que les justificatifs médicaux soient communiqués avec retard à l'employeur (au-delà de 48h). La prudence doit donc être de mise avant d'enclencher une procédure diciplinaire sur ce seul fondement. La réponse la plus simple consistera à mettre en demeure le salarié par courrier recommandé afin qu'il communique tout justificatif médical (ou autre) expliquant son absence et qu'il reprenne son poste de travail sans délai. C'est l'absence de réponse ou la réponse insatisfaisante du salarié à cette mise en demeure qui justifiera la sanction disciplinaire.

 

  • Face aux blocages

Réagir à bon escient face à un blocage et y mettre fin sans délai suppose au préalable de disctinguer ce qui est légal - l'exercice du droit de grève par les salariés, avec ou sans préavis - , du comportement clairement fautif. Aussi, il conviendra de faire constater immédiatement le blocage par un constat d'huissier, puis de solliciter le président du TPI (Tribunal de Première Instance) l'autorisation de faire procéder à l'évacuation immédiate de toute personne, comme enlèvement de toute entrave interdisant le libre accès à l'entreprise. Bien évidemment, si cette procédure est rapide - une journée en moyenne - ,il reste préférable que le problème de fond soit réglé en amont par la voie de la négociation.

 

Propos recueillis par Marianne Tourette

Source : magazine "OBJECTIF" n° 95 Juin 2015

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